Par Nathalie Josso
EDP Sciences
site web : www.edpsciences.org
Septembre 2017
142 pages
Tarif indicatif de 20,00 €
Nathalie Josso, médecin endocrinologue et directeur de recherche de l’Inserm, rapporte dans ce petit livre l’histoire de la découverte de l’hormone anti-Müllerienne, qui lui vaut une renommée internationale. De façon très didactique et vivante, Nathalie Josso raconte des souvenirs de sa vie de chercheuse, ses interrogations, ses doutes, ses certitudes et ses joies. Elle nous explique aussi les conséquences de cette découverte sur la compréhension des ambiguïtés sexuelles. Spécialisée dans ce domaine, l’auteure a assuré une consultation d’endocrinologie pédiatrique pendant 35 ans à l’hôpital Necker-Enfants malades, puis à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul.
De façon étonnante pour le commun des mortels, l’appareil génital de l’embryon est hermaphrodite
dans les premières semaines. Quel que soit le futur sexe, il se compose des canaux de Wolff qui vont se transformer en épididyme et canal déférent chez les embryons mâles, et les canaux de Müller, précurseurs de l’appareil génital femelle. À la huitième semaine suivant la fécondation, les gonades mâles se différencient et contribuent à faire disparaître les canaux de Müller. Chez les embryons femelles, les canaux de Müller vont donner l’utérus et les ovaires. Qu’est-ce qui détermine cette différenciation du sexe ? Probablement des hormones. Encore faut-il les découvrir. C’est cette quête que nous raconte Nathalie Josso.
Elle a été l’élève d’un grand scientifique, Alfred Jost, qui deviendra professeur au Collège de France et président de l’Académie des sciences. C’est lui qui a pressenti l’existence de l’hormone anti-Müllerienne notamment à partir de l’observation des freemartins, petites génisses unies par des anastomoses placentaires à des jumeaux mâles. À la naissance, la femelle est dépourvue d’utérus et d’ovaires ! Tout se passe comme si les jumeaux mâles faisaient disparaître les organes féminins. Alfred Jost va montrer expérimentalement chez le lapin que, privé de gonades dans les premières semaines de la vie embryonnaire, qu’il soit mâle ou femelle, l’appareil génital se féminise. En 1947, il démontre que seul le testicule fœtal déclenche la différenciation sexuelle avec développement des canaux de Wolff et régression des canaux de Müller. Il découvre surtout que la testostérone produite par les testicules ne permet pas à elle seule à faire régresser les canaux de Müller, contrairement à ce qu’on croyait. Il existe donc une autre hormone dite « inhibitrice ».
C’est là qu’intervient Nathalie Josso qui travaille d’abord à l’hôpital Necker-Enfants malades dans l’unité Inserm de Jean Frézal, puis dans sa propre unité à l’École Normale Supérieure. Après des années d’efforts qu’elle nous conte dans son livre, elle va isoler et caractériser en 1984 cette hormone inconnue, la nommant « hormone anti-Müllerien » (AMH). Cette hormone est produite par des cellules de Sertoli qui apparaissent dans les gonades mâles au cours des premières semaines de la vie embryonnaire, alors que la testostérone est produite par les cellules de Leydig. Elle souligne avec modestie que ce fut un travail d’équipe faisant intervenir notamment Jean-Yves Picard et Bernard Vigier. En 1986, elle réussit à cloner le gène de cette hormone localisée sur le chromosome 19, au milieu d’une compétition internationale intense.
La découverte de l’AMH permet par exemple de comprendre l’énigme ancienne des « hommes à utérus », patients d’aspect masculin et de comportement sexuel tout à fait normal, qui abritent un utérus et des trompes de Fallope dans leur cavité pelvienne. Il s’agit en réalité d’un déficit isolé en AMH. De tels déficits sont la conséquence de mutations du gène codant l’AMH, qui se propage au sein de familles dont les garçons portent des utérus découverts de façon fortuite. On ne peut que recommander la lecture de ce livre qui nous conte avec enthousiasme et humour l’histoire de la découverte d’une hormone inconnue.