par Alain Fischer

Édition Odile Jacob

www.odilejacob.fr

2024

337 pages

Tarif indicatif de 24,90 €

 

L’ouvrage d’Alain Fischer, Professeur honoraire au collège de France où il a occupé de 2014 à 2020 la prestigieuse chaire de « Médecine expérimentale » de Claude Bernard, nous livre son parcours professionnel entièrement réalisé à l’hôpital Necker-enfants malades depuis 1969, comme étudiant en médecine, puis interne et chef de clinique dans le service d’immuno-hématologie pédiatrique du Pr Claude Griscelli auquel il succéda. Ce service s’occupe d’enfants particulièrement sensibles à des infections menaçant leur survie. Dans l’attente de transplantations médullaires compatibles, ces enfants vulnérables étaient placés dans des « bulles », pour les préserver d’un environnement microbien délétère pour eux. Pourquoi cette extrême sensibilité ? Ces déficits immunitaires héréditaires, qui correspondent à de nombreuses maladies génétiques différentes, vont faire l’objet de recherches intensives aboutissant à la découverte des gènes impliqués et à des thérapies géniques pour corriger ces déficiences. Ces recherches vont éclairer les mécanismes fondamentaux de l’immunité humorale et cellulaire. Alain Fischer retrace les progrès et les difficultés des premières thérapies géniques à suc-cès, qui commencent en 1999 par le traitement de patients porteurs d’un déficit lié à l’X, avant qu'elles soient utilisées dans de nombreux autres déficits immunitaires, mais aussi de maladies héréditaires des globules rouges comme la drépanocytose. L’auteur met en perspective tous les progrès acquis et les futures avancées de la thérapie génique, grâce aux percées des biotechnologies toujours plus innovantes, comme les ciseaux moléculaires de CRISPR-Cas. Suit une brève histoire de l’immunologie depuis son origine, et de la variolisation, jusqu’à aujourd’hui. Il dresse ensuite un panorama des principales maladies du système immunitaire, notamment les maladies auto-immunes, les maladies allergiques et inflammatoires et les cancers. L’auteur explique en termes très simples les mécanismes moléculaires, en particulier ceux de la diversification des lymphocytes T et B et de la tolérance immunitaire.
Puis Alain Fischer aborde les vaccins qui ont de faire bondir l’espérance de vie au XXe siècle, à la suite des travaux de Louis Pasteur. Aujourd’hui, l’espérance de vie en France est de 79 ans pour les hommes et 85 ans pour les femmes, alors qu’au début du XXe siècle elle était d'à peine 60 ans. Les vaccins ont favorisé la chute de la mortalité infantile qui atteignait souvent 50 % avant l’âge de cinq ans au début du XIXe siècle. Il aborde aussi la vaccination contre la Covid-19 et le grand progrès qui a été réalisé par les vaccins à ARN, qui marque un tournant inattendu et très innovant dans l’histoire de la vaccinologie.
Dans la dernière partie, Alain Fischer aborde la recherche en médecine. C’est pour lui l’occasion de rappeler l’histoire de l’institut Imagine, qui a été un combat mené sous l’égide de Claude Griscelli, concrétisant la mise en place d’un lieu magique où sont rassemblés les patients, les chercheurs, les associations, les start-up… Ce lieu croise de multiples disciplines, notamment la clinique, l’immunologie, la biologie cellulaire, la génétique, l’épidémiologie et la santé publique, associées à un plateau technique exceptionnel. L’auteur fait un amer et remarquable bilan de la recherche médicale et en santé en France. Il explique ses atouts, mais aussi ses faiblesses et ses lourdeurs administratives, en particulier les nombreux guichets pour soumettre des contrats, les multiples évaluations pour une même unité de recherche, la plupart du temps sans conséquences, les mille-feuilles administratifs, les salaires insuffisants des chercheurs, le manque de vision globale à moyen terme. Comme cela est réalisé à l’institut Imagine, il insiste sur l’importance d’une recherche proche du malade et ancrée sur une recherche fondamentale au cœur du progrès médical. L’étude d’un petit ver rond (Caenorhabditis elegans) n’a-t-elle pas permis de révéler les mécanismes génétiques de la mort cellulaire et du vieillissement ? Un pan entier de l’immunologie, l’immunité innée, n’a-t-il pas été découvert par une recherche sur la mouche drosophile ? En conclusion, cet ouvrage remarquablement écrit dans un style lumineux aborde les très nombreux aspects, incluant les obstacles, de la médecine qui veut protéger les vivants.

Patrick Berche