Auteurs : Stanis Pérez et Patrick Berche

Éditions Perrin

Mars 2021

522 pages

Tarif indicatif de 24 €

 

Dans l’ouvrage Pandémies, des origines à la Covid-19, l’historien Stanis Perez et le microbiologiste Patrick Berche remontent le temps et décrivent les fléaux, désignés pestes - jusqu’à ce que ce vocable ne concerne à partir du XVe siècle que celui causé exclusivement par Yersinia pestis –, que l’Homme a dû affronter périodiquement depuis l’Antiquité. Hormis l’épidémie très meurtrière ayant frappé sous le règne de l’empereur romain Marc Aurèle et dont les manifestations cliniques rapportées correspondent indéniablement à celles de la variole - maladie qui sévira durant des siècles jusqu’à son éradication officielle en 1980 –, les descriptions des autres pestes antiques ne permettent que de spéculer sur la nature des agents infectieux en cause ; la possibilité d’identifier aujourd’hui l’ADN ancien, extrait d’ossements, pourrait lever les équivoques. L’un de ces fléaux mémorables, supposés être véhiculés comme tous les autres par des miasmes, est celui qui a déferlé sur l’Europe à la fin de la première moitié du XIVe siècle et qui a causé, selon les estimations, la mort de 25 millions d’âmes en cinq années : la peste noire. Maladie dévastatrice ayant marqué à jamais la mémoire collective, les auteurs de Pandémies consacrent une large part à son impact sociétal et sur les arts au fil des siècles. Singulièrement, cette épidémie de peste avait pris naissance au nord-est de la Chine, là même où a émergé, en 2019, une épidémie qui s’est mondialisée en quelques mois : la Covid-19.
L’autre grand fléau médiéval fut la lèpre qui se propagea dans tout l’Occident au retour des Croisés de Terre sainte où la maladie était répandue, et les lépreux furent mis à l’écart de la société, « hors du monde », marginalisés dans des maladreries. À la Renaissance, la syphilis est l’épidémie emblématique de cette période, importée du Nouveau Monde par les équipages de Christophe Colomb à leur retour en Espagne ; cette maladie vénérienne, beaucoup plus virulente qu’elle ne l’est actuellement puisqu’elle entraînait parfois la mort en quelques mois, fut véhiculée dans toute l’Europe, à partir de la fin du XVe siècle, par des mercenaires de diverses nationalités engagés dans des guerres successives d’Italie durant une soixante d’années. À la même période, la consomption aujourd’hui appelée tuberculose, connue depuis la nuit des temps, va progresser et atteindre son apogée lors de la révolution industrielle, en lien avec l’urbanisation galopante, la promiscuité des individus et leurs conditions de vie insalubres. Grâce à l’invention de la machine à vapeur au XVIIIe siècle, le développement des transports maritimes intercontinentaux par des bateaux à vapeur contribuera à la dissémination de maladies infectieuses épidémiques sur des territoires auparavant épargnés : c’est le cas du choléra, qui, depuis son berceau indien, frappera différents pays européens au cours du XIXe siècle. Quant à la grippe dite « espagnole » (mais originaire des États-Unis d’Amérique !) survenue à l’issue de la Première Guerre mondiale, son lourd bilan meurtrier estimé entre 20 et 100 millions de morts reste, à l’instar de la peste noire, reste encore très présent dans notre mémoire. C’est au XXe siècle que des fléaux méconnus jusqu’alors, car n’apparaissant dans aucune statistique, vont sévir dans le monde entier. Ces pandémies non contagieuses des temps modernes, diabète de type 2, obésité, maladies cardiovasculaires et cancers, liées à des modes de vie pathogènes sont aujourd’hui les premières causes de mortalité dans le monde.
De tout temps, la terreur générée par ces maladies pestilentielles inexpliquées, que les astrologues reliaient à la conjonction de planètes, a conduit l’Homme à rechercher des boucs émissaires et à commettre fréquemment des exactions envers certaines communautés. Face à ces fléaux, châtiments divins en réponse aux débauches humaines selon les croyances de l’époque, les populations s’en remettaient au Créateur. Ce n’est seulement qu’au siècle des Lumières que la pensée d’une colère divine responsable des épidémies s’estompera peu à peu des esprits. La notion de contagion interhumaine par des ennemis imperceptibles, éléments vivants infiniment petits comme ceux observés par van Leeuwenhoek grâce à son microscope, progresse au fil du temps chez certains médecins. Mais la querelle des Anciens (les tenants de la théorie antique des miasmes) et des Modernes (les « contagionistes ») durera jusqu’à ce que Pasteur y mette un terme, en 1878, lors d’une conférence à l’Académie nationale de médecine intitulée La théorie des germes et ses applications à la médecine et à la chirurgie. Dès lors, la chasse aux microbes est ouverte et sont identifiés, avant la fin XIXe siècle, ceux à l’origine de la tuberculose, du choléra et de la peste, pour ne citer que les plus emblématiques. En dépit des progrès scientifiques et médicaux sans commune mesure durant les cent dernières années, l’émergence de la pandémie de Covid-19, dont l’historique et les conséquences humaines et sociales sont rapportés à la fin de l’ouvrage, montre que le comportement de certains humains d’aujourd’hui est semblable à celui d’hier : défiance à l’égard des experts et du pouvoir politique, recherche de boucs émissaires, rumeurs et informations mensongères.

MS