par Stanis Perez

Éditions Perrin
Paris

site web : www.lisez.com/perrin/26

Février 2018
480 pages

Tarif indicatif de 25,00 €

 

Écrit par un historien reconnu, cet ouvrage passionnant explique le rôle symbolique du corps des rois de France depuis le Moyen Âge jusqu’au dernier roi des Français Louis-Philippe. L’auteur montre que l’autorité a besoin de s’incarner dans un individu de chair et d’os : le corps du roi « entre terre et ciel » se doit incarner l’État, puis la Nation, au cours d’une existence hors du commun. Stanis Perez nous révèle les rouages vitaux d’un régime politique constamment tributaire du physique, de l’apparence et des représentations d’un individu à la fois banal et extraordinaire, au cours de rituels parfaitement ordonnés tout au long de la vie du souverain. Il y a d’abord la cérémonie fondatrice du sacre, avec l’onction requise du saint-chrême par l’évêque de Reims pour sacraliser le corps du roi. La cérémonie est accompagnée de rites thaumaturgiques comme le toucher des écrouelles. Puis, la vie du souverain est ponctuée de cérémonies au cours de tous les événements de sa vie, naissances, mariages, maladies, jusqu’aux funérailles à Saint-Denis d’une royauté « qui ne meurt pas ».

 

À partir du XIIIe siècle, on réalise l’autopsie du corps royal pour déterminer la cause de la mort et embaumer sa dépouille, après extraction des viscères. Par exemple, après la mort de Saint-Louis devant Tunis en 1270, il convenait de ramener la pieuse dépouille à la basilique de Saint-Denis. Son corps démembré fut plongé dans un mélange d’eau bouillante et de vin pour éviter la « mortelle pestilence venue de la corruption de l’air ». Son frère Charles d’Anjou et son fils Philippe le Hardi se partagèrent, l’un les viscères et les chairs bouillies qui resteront en Sicile, l’autre le squelette et le cœur qui rejoindront la basilique royale et la Sainte-Chapelle. Par la suite, le corps du roi sera représenté par des effigies qui apparaissent au XIVe siècle et l’on peut voir évoluer la représentation de la mort des rois sur les célèbres gisants de Saint-Denis.

L’histoire millénaire du corps du roi semble se terminer par le supplice rituel de Louis XVI guillotiné sur la place de la Révolution, pour fonder la République, événement suivi de près par les violations des sépultures royales en 1793. L’auteur explique que ces profanations ont contribué au contraire à « resacraliser » le corps du roi. Suivra le Premier Empire qui reprendra les rituels de la monarchie, notamment avec le sacre et l’iconographie glorifiante de l’empereur, voire même le rituel du toucher glorifié par le ta bleau d’Antoine-Jean Gros : Bonaparte visitant
les pestiférés de Jaffa. Incarnant l’État et la Nation, en dépit de l’absence de lignée, le corps impérial de Napoléon Ier sera glorifié comme celui des rois et connaîtra bien des vicissitudes jusqu’à son inhumation aux Invalides.

Toute cette histoire montre combien il est important dans notre imaginaire collectif français que l’autorité de l’État soit toujours incarnée par un personnage sacralisé, aujourd’hui par le suffrage universel.

P.B.