par Frédéric Morinet *

 

Les lymphomes des muqueuses ou MALT (Mucosalassociated lymphoid tissue) correspondent à une prolifération de lymphocytes B extra-ganglionnaire, c’est-à-dire en dehors de la rate et des ganglions.

Ils résultent d’une stimulation antigénique chronique au sein des muqueuses et leur évolution est toujours lente (1). Le lymphome de MALT gastrique, lié à une infection chronique par Helicobacter pylori, constitue le paradigme. La protéine CagA produite par cette bactérie est un oncogène (2). En fait, le mécanisme de la carcinogénèse induite par H. pylori est complexe car CagA n’est plus détectée in situ au fur et mesure de l’évolution de la prolifération des lymphocytes B (3). La régression, sous antibiotiques (clarithromycine + amoxicilline + métronidazole) associés à un inhibiteur de la pompe à protons, des MALT gastriques à H. pylori, est spectaculaire : 80 % de réponse complète persistante à 5 ans.

Si l’on excepte cette donnée, l’utilisation d’agents antimicrobiens permet une régression d’un état prélymphomateux de type B dans une autre situation : lorsque les cryoglobulinémies mixtes sont associées à une infection par le virus de l’hépatite C (VHC) qui induit une expansion clonale des lymphocytes B (le mécanisme exact de la cryoglobulinémie mixte reste toutefois incompris). David Saadoun et collaborateurs (4) ont traité 23 patients par l’interféron α pegylé, la ribavirine et un inhibiteur de la protéase virale 3/4A, le télaprévir ou le bocéprévir (4). Treize patients (56,5 %) ont présenté une réponse clinique complète et 10 (43,5 %) une réponse partielle à 24 semaines ; la réponse virologique à 24 semaines était de 69,6 %. Si l’on en revient aux MALT, citons cette observation princeps de régression d’un lymphome splénique à lymphocytes villeux (cellules dont la membrane présente des villosités) associé à une infection par le virus de l’hépatite C traitée par interféron α-2b combiné ou non à la ribavirine (5).

Une relation causale entre l’infection à Borrelia burgdorferi et la survenue d’un MALT cutané (dont l’infiltrat dermique est formé de petites cellules avec une composante à cellules centrocyte-like quasi-constante, la différenciation plasmocytaire étant observée dans environ la moitié des cas) est fonction de la distribution géographique de cette bactérie ; ainsi en Europe, l’ADN de B. burgdorferi a été détecté dans 10 à 40 % des patients présentant un MALT cutané (6). Une régression, voire une éradication, d’un MALT des glandes annexes de l’oeil (conjonctive, glande lacrymale, …) lié à une infection chronique par Chlamydia (anciennement Chlamydophila) psittaci a été constatée, lors d’une étude pilote internationale de phase II, après administration aux malades de doxycycline (7). Cependant, l’association d’une infection par C. psittaci et d’un lymphome orbitaire est inconstante : fréquente en Italie et en Corée (50 à 80 %), elle est en revanche inconnue en France et au Japon.

En conclusion, la difficulté d’étudier plus amplement la régression de ces MALTs par un traitement antimicrobien résulte de la diminution de l’incidence des MALTs à H. pylori et de la rareté de l’association de ces cancers avec C. psittaci et B. burgdorferi.

 

Références

(1) Zucca E, Bertoni F. The spectrum of MALT lymphoma at different sites: biological and therapeutic relevance. Blood 2016 ; 127 (17) : 2082-92.
(2) Hatakeyama M. Helicobacter pylori CagA and gastric cancer: a paradigm for hit-and-run carcinogenesis. Cell Host Microbe 2014 ; 15 (3) : 306-16.
(3) Skinner GR. Transformation of primary hamster embryo fibroblasts by type 2 simplex virus: evidence for a "hit and run" mechanism. Br J Exp Pathol 1976 ; 57 (4) : 361-76.
(4) Saadoun D, Resche Rigon M, Thibault V, Longuet M, Pol S, Blanc F, et al. Peg-IFNα/ribavirin/protease inhibitor combination in hepatitis C virus associated mixed cryoglobulinemia vasculitis: results at week 24. Ann Rheum Dis 2014 ; 73 (5) : 831-7.
(5) Hermine O, Lefrère F, Bronowicki JP, Mariette X, Jondeau K, Eclache-Saudreau V, et al. Regression of splenic lymphoma with villous lymphocytes after treatment of hepatitis C virus infection. N Engl J Med 2002 ; 347 (2) : 89-94.
(6) Ferreri AJ, Govi S, Ponzoni M. Marginal zone lymphomas and infectious agents. Semin Cancer Biol 2013 ; 23 (6) : 431-40.
(7) Ferreri AJ, Govi S, Pasini E, Mappa S, Bertoni F, Zaja F, et al. Chlamydophila psittaci eradication with doxycycline as first-line targeted therapy for ocular adnexae lymphoma: final results of an international phase II trial. J Clin Oncol 2012 ; 30 (24) : 2988-94.

* Hôpital Saint-Louis-Université Denis Diderot Paris 7.