par Frédéric Morinet *

 

On peut faire des parallèles entre les cancers et les maladies infectieuses d’origine virale à quatre niveaux.

Tout d’abord, les néo-antigènes des cellules cancéreuses et les antigènes viraux stimulent la réponse immunitaire, notamment par les cellules lymphoïdes T (1). En second lieu, à mon sens, détecter par technique quantitative les « dernières cellules malignes », autrement dit, étudier la maladie résiduelle, est comparable à rechercher la baisse de la charge virale chez le patient séropositif VIH sous trithérapie. Le troisième parallèle a trait aux mécanismes de résistance (2) : si l’on prend comme exemple la survenue de mutations, celles-ci s’observent aussi bien avec les inhibiteurs de tyrosine kinase, notamment l’imatinib (Gleevec®) utilisé pour le traitement de la leucémie myéloïde chronique qu’avec les antiviraux. Qu’il s’agisse d’une pathologie cancéreuse ou infectieuse, la persistance sous traitement de cellules malignes ou de particules virales est la règle. Le quatrième parallèle concerne le métabolisme et je l’explicite ci-après.

Lors du métabolisme du glucose, deux possibilités sont offertes au pyruvate accumulé dans le cytoplasme de la cellule : en aérobiose, une transformation en acétylcoA dans la mitochondrie grâce à la pyruvate-déshydrogénase conduisant à la phosphorylation oxydative dans cet organelle, et en anaérobiose, une fermentation en lactate par la lactate-déshydrogénase. Dans la cellule cancéreuse, la phosphorylation oxydative mitochondriale coexiste avec l’accumulation de lactate mais, cette fois, en aérobiose : c’est l’effet Warburg, ainsi appelé en hommage à Otto Heinrich Warburg, prix Nobel de physiologie/médecine en 1931. Cette production de lactate permet de régénérer du nicotinamide adénine dinucléotide qui emballe la glycolyse et donc la croissance tumorale. Cet effet Warburg est une conséquence de l’activation de nombreux oncogènes. Certains virus, tels l’adénovirus, le cytomégalovirus et les virus oncogènes (papillomavirus de type 16 et virus herpes humain n°8 associé au sarcome de Kaposi), induisent un effet Warburg afin de faciliter leurs réplications (3). Sur un plan thérapeutique, inhiber la phosphorylation oxydative mitochondriale et l’effet Warburg en association avec une chimiothérapie anticancéreuse ou antivirale semble une stratégie séduisante. L’utilisation du dichloroacétate (inhibiteur de la mitochondrie) ou de l’oxamate (inhibiteur de l’effet Warburg) en cancérologie, malgré des résultats précliniques encourageants, n’a finalement pas tenu ses promesses. L’avenir nous dira si ces deux molécules s’avèrent utiles dans le traitement des infections virales sus-citées, en association bien sûr avec la chimiothérapie antivirale standard.

 

Références

(1) Hotchkiss RS, Moldawer LL. Parallels between cancer and infectious disease. N Engl J Med 2014 ; 371 (4) : 380-3.
(2) Glickman MS, Sawyers CL. Converting cancer therapies into cures: lessons from infectious diseases. Cell 2012 ; 148 (6) : 1089-98.
(3) Morinet F, Parent M, Bergeron C, Pillet S, Capron C. Oxygen and viruses: a breathing story. J Gen Virol 2015 ; 96 (8) : 1979-82.

* Hôpital Saint-Louis-Université Paris Diderot Paris 7.