par Frédéric Morinet *
Dans 15 à 20 % des cas, il existe une cause virale, bactérienne, voire parasitaire à la survenue de cancers. Le cancer du col de l’utérus est lié à une infection génitale par certains types oncogènes de papillomavirus. Leur présence est nécessaire, comme l’indique la détection de ces virus dans 99 % des cas de cancer du col, mais n’est pas suffisante. Il existe des cofacteurs pour faire évoluer une lésion génitale du col, dépistée par un frottis cervico-utérin, vers un cancer, tel le tabagisme, par exemple. À partir d’une lésion génitale créée lors de rapports sexuels, l’évolution vers un cancer du col utérin s’effectue en 10-15 ans. Pendant ce laps de temps, il est possible d’intervenir de manière efficace (chirurgie, chimiothérapie anti-angiogénique) et surtout, le système immunitaire du sujet est capable, dans la grande majorité des cas, de faire disparaître les lésions.
Les vaccins recombinants dirigés contre les papillomavirus oncogènes ont été mis sur le marché entre 2006 et 2009. Le Gardasil® (Merck) est un vaccin quadrivalent dirigé contre les génotypes 6 et 11 (responsables de condylomes) et contre les génotypes oncogènes 16 et 18. Le Cervarix® (GlaxoSmith Kline) est un vaccin bivalent dirigé contre les génotypes oncogènes 16 et 18. En 2014, un vaccin nonavalent dirigé contre les génotypes 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58 a été autorisé par l’agence américaine Food and Drug Administration. Il s’agit de vaccins préventifs, c'est-à-dire administrés à des sujets avant qu’ils ne soient infectés. Depuis 2006, ces vaccins ont fait l’objet de nombreuses publications scientifiques d’où il ressort qu’ils sont sûrs, n’induisant pas de pathologies autoimmunes. Ce genre de complication post-vaccinale est extrêmement rare et dépend plus du terrain génétique du sujet que du type de vaccin administré.
Le Gardasil® et le Cervarix® sont maintenant inclus dans le calendrier vaccinal. Ils doivent être administrés avant le début de la sexualité (entre 9 et 13 ans), ce qui a créé au Canada un obstacle psychologique chez certains parents. En effet, après un engouement initial pour la vaccination de leurs filles, une réticence a suivi, les parents assimilant la vaccination contre les papillomavirus à la prise de la pilule contraceptive. Le taux de couverture vaccinale pour empêcher un sujet naïf d’être contaminé reste à établir. À titre indicatif, pour le virus de l’hépatite B, également responsable de cancer (hépatocarcinome) et sexuellement transmis, la couverture vaccinale en France n’est que de 50 %. Reste en suspens la vaccination des garçons contre ces papillomavirus oncogènes. Face aux vaccins anti-papillomavirus, la place du dépistage du cancer du col de l’utérus reste prépondérante.
Trois données doivent être considérées en France : i) chaque année, le dépistage du cancer du col utérin est réalisé chez environ six millions de femmes vivant en métropole et dans les départements et territoires d’outre-mer ; ii) ce cancer est la douzième cause de cancer chez la femme ; iii) il cause annuellement 1 000 décès. Faut-il vacciner deux à trois millions de jeunes filles âgées de 13 ans pour éviter 1 000 décès ? La réponse à cette question n’est pas simple, tout en sachant que les vaccins viraux ont une place capitale dans la lutte contre les maladies infectieuses.
Références
(1) Tjalma WA. There are two prophylactic human papillomavirus vaccines against cancer, and they are different. J Clin Oncol 2015 ; 33 : 964-5.
(2) Herrero R, González P, Markowitz LE. Present status of human papillomavirus vaccine development and implementation. Lancet Oncol 2015 ; 16 : e206-16.