par Frédéric Morinet *

 

Les virus Ebola sont des virus à ARN, enveloppés, appartenant à la famille des Filovirus. On distingue cinq sous-types : quatre sous-types africains (« Zaïre », « Soudan », « Bundibugyo », « Forêt de Taï » (anciennement « Côte d’Ivoire ») infectant l’homme à partir d’un réservoir toujours mal identifié (chauve-souris ?) et un sous-type asiatique (« Reston »). Le taux de mortalité est variable, oscillant entre 40-50 % (Bundibugyo et Soudan) et 70 à 90 % (Zaïre). Le sous-type Forêt de Taï a été à l’origine d’un seul cas, en Côte d’Ivoire, et le sous-type Reston a été uniquement identifié pour le moment en Asie et provoque une infection asymptomatique chez l’homme (1).

L’épidémie actuelle est la plus meurtrière jamais connue depuis 1976 pour de multiples raisons, dont la plus marquante est le manque de structures sanitaires de qualité dans les quatre pays de l’Afrique de l’Ouest concernés (Guinée, Sierra Leone, Liberia, Nigeria) et la difficulté d’un diagnostic clinique spécifique (Figure) (2, 3). La souche identifiée en mars 2014 en Guinée, de sous-type Zaïre, est différente de la souche de « référence » Zaïre identifiée en 1976, suggérant une évolution récente de la souche actuelle et non l’introduction de la souche Zaïre en Afrique de l’Ouest (4).

C’est la fin des certitudes car les données antérieures, où ne figuraient qu’un nombre limité de décès, suggéraient que la maladie Ebola suivait le profil d’une épidémie limitée et non d’une épidémie de grande ampleur comme la grippe H1N1 en 2009, voire celle du VIH. Ces deux types d’épidémie s’opposent à l’absence d’épidémie, où le réservoir est bien identifié et dont la destruction limite la transmission interhumaine (grippe aviaire H5N1, où plus d’1 million de poulets ont été abattus empêchant la diffusion à la population asiatique). Ces trois situations peuvent être analysées sur un plan mathématique à l’aide du fameux facteur R0, dont le calcul ne peut s’appliquer à mon sens qu’a posteriori (5). En contraste des infections anciennes à virus Ebola où l’homme s’infectait à partir d’un ou plusieurs réservoirs non humains, l’épidémie actuelle fait intervenir une transmission interhumaine.

Les autorités françaises ont parfaitement réagi quant à l’information et aux mesures à prendre sur cette « épidémie », comme le montrent les rapports du Haut Conseil de la Santé Publique, de l’Institut National de Veille Sanitaire et du Ministère des Affaires Sociales et de la Santé. Il n’existe pas de vaccin et l’intérêt de l’interféron est peu plausible, comme vient de le montrer un article fondamental où la protéine virale VP24 contrecarre son action (6). L’intérêt des anticorps monoclonaux à visée thérapeutique, le fameux cocktail ZMapp qui en associe trois, reste controversé.

 Fig. - Plaquette d’information du Centers for Disease Control and Prevention (Atlanta, USA), mise en ligne en septembre 2014.

 

Références

(1) Feldmann H. Ebola - A growing threat? N Engl J Med 2014 May 7. [Epub ahead of print]

(2) Chan M. Ebola virus disease in West Africa - No early end to the outbreak. N Engl J Med 2014 Aug 20. [Epub ahead of print]

(3) Barroux R. L’épidémie d’Ebola progresse et atteint le Nigeria. Le Monde Hebdomadaire, 2 août 2014.

(4) Baize S, Pannetier D, Oestereich L, Rieger T, Koivogui L, Magassouba N, Soropogui B, Sow MS, Keïta S, De Clerck H, Tiffany A, Dominguez G, Loua M, Traoré A, Kolié M, Malano ER, Heleze E, Bocquin A, Mély S, Raoul H, Caro V, Cadar D, Gabriel M, Pahlmann M, Tappe D, Schmidt-Chanasit J, Impouma B, Diallo AK, Formenty P, Van Herp M, Günther S. Emergence of Zaire Ebola virus disease in Guinea - Preliminary report. N Engl J Med 2014 Apr 16. [Epub ahead of print]

(5) Cauchemez S, Van Kerkhove MD, Riley S, Donnelly CA, Fraser C, Ferguson NM. Transmission scenarios for Middle East Respiratory Syndrome Coronavirus (MERS-CoV) and how to tell them apart. Euro Surveill 2013 Jun 13 ; 18 (24). pii: 20503.

(6) Xu W, Edwards MR, Borek DM, Feagins AR, Mittal A, Alinger JB, Berry KN, Yen B, Hamilton J, Brett TJ, Pappu RV, Leung DW, Basler CF, Amarasinghe GK. Ebola virus VP24 targets a unique NLS binding site on karyopherin alpha 5 to selectively compete with nuclear import of phospho-rylated STAT1. Cell Host Microbe 2014 Aug 13 ; 16 (2) : 187-200.

* Hôpital Saint-Louis-Université Denis Diderot Paris 7.