par Frédéric Morinet *

Le virus de l’hépatite E (VHE), virus à ARN simple brin non enveloppé, a été découvert il y a une trentaine d’années et comporte quatre génotypes apparus il y a environ 500 ans. Les génotypes 1 et 2 sont une cause majeure d’épidémies à transmission oro-fécale (eaux souillés) en Asie et en Afrique, tandis que les génotypes 3 et 4 sont à l’origine de zoonoses impliquant divers réservoirs animaux (porc, sanglier, cerf...) en Europe, en Amérique du Nord et au Japon, l’homme se contaminant par la consommation de viande mal cuite. Le diagnostic d’infection à VHE est généralement porté devant la constatation d’une élévation des transaminases qui conduit à pratiquer un bilan complet des virus des hépatites.

Le génotype 3 est responsable d’infections chroniques chez les patients immunodéprimés (transplantation d’organe, greffe de cellules souches, chimiothérapie, infection par le VIH avec un titre en lymphocytes T CD4 < 250/mm3...). Environ 60 % des patients transplantés d’organe exposés à ce génotype feront une infection chronique et 10 % d’entre eux évolueront en moins de deux ans vers la cirrhose. L’attitude thérapeutique de première intention est de diminuer l’immunosuppression, ce qui n’est malheureusement pas toujours réalisable.

Kamar et collaborateurs proposent une autre attitude fondée sur l’administration de la ribavirine, dans une étude multicentrique réalisée chez 59 patients transplantés d’organe (rein, foie, coeur, pancréas, poumons) et présentant une infection à VHE depuis plus de 6 mois diagnostiquée par RTPCR dans le sérum. La ribavirine orale a été utilisée à une dose médiane de 600 mg par jour pendant trois mois. À la fin du traitement, la RT-PCR s’est avérée négative chez 95 % des patients et était encore négative 6 mois après l’arrêt du traitement chez 78 % des patients. L’effet secondaire principal observé a été une anémie hémolytique, celle-ci pouvant s’expliquer par l’internalisation de la ribavirine dans les globules rouges ; cet évènement a conduit à l’administration d’érythropoïétine chez 54 % des patients, à une diminution de dose chez 29 % des patients, et à une transfusion de culots globulaire chez 12 % des patients.

Ce travail très intéressant pose la question du mécanisme d’action exact de la ribavirine dans cette infection virale. En effet, la ribavirine est une molécule pléiotropique jouant sur le pool des nucléotides, la traduction et le système immunitaire – ce qui rend d’ailleurs compte de son utilisation thérapeutique très large allant de la fièvre hémorragique d’Amérique du Sud à l’encéphalite à virus Nipah (paramyxovirus), en passant par la bronchiolite à virus respiratoire syncytial et bien sûr l’hépatite C. Notons qu’il existe un vaccin récemment mis au point par des équipes chinoises, qui est basé sur l’utilisation d’un fragment de la protéine de capside du virus de l’hépatite E (Hecolin). Cependant, l’intérêt de cette approche dans les pays à haut niveau socio-économique n’est pas évident, compte tenu d’un impact clinique le plus souvent modéré et d’une prévalence faible (1 à 2 %) dans la plupart des régions.

Référence

- Kamar N, Izopet J, Tripon S, Bismuth M, Hillaire S, Dumortier J, Radenne S, Coilly A, Garrigue V, D'Alteroche L, Buchler M, Couzi L, Lebray P, Dharancy S, Minello A, Hourmant M, Roque-Afonso AM, Abravanel F, Pol S, Rostaing L, Mallet V. Ribavirin for chronic hepatitis E virus infection in transplant recipients. N Engl J Med 2014 ; 370 (12) : 1111-20.

Pour en savoir plus :
  • Arends JE, Ghisetti V, Irving W, Dalton HR, Izopet J, Hoepelman AI, Salmon D. Hepatitis E: an emerging infection in high income countries. J Clin Virol 2014 ; 59 (2) : 81-8.
  • Debing Y, Neyts J. Antiviral strategies for hepatitis E virus. Antiviral Res 2014 ; 102 : 106-18.
  • Dalton HR, Hunter JG, Bendall RP. Hepatitis E. Curr Opin Infect Dis 2013 ; 26 (5): 471-8.
* Université Denis Diderot-Hôpital Saint-Louis.