Les soins palliatifs, que l’on peut définir au sens large comme des soins destinés à éviter ou atténuer la douleur en cas d’affection potentiellement mortelle, font depuis longtemps figure de parent pauvre dans le domaine des soins de santé.
On évalue à 40 millions le nombre des patients qui ont besoin chaque année de soins palliatifs, selon l’Atlas mondial des soins palliatifs publié par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en collaboration avec l’Alliance mondiale pour les soins palliatifs. Vingt et un millions d’entre eux ont besoin de ces soins en fin de vie, dont plus de 90 % à la suite d’une maladie non transmissible.
« On estime que 42 % des pays ne disposent d’aucun service de soins palliatifs et que 30 % dispensent des services limités dont ne bénéficie qu’une faible partie de la population », ajoute le Dr Mendis, Directeur par intérim du Département Prise en charge des maladies non transmissibles à l’OMS.
Ces chiffres sont confirmés par une étude publiée en juin 2013 dans le Journal of Pain and Symptom Management, qui indique que 20 pays seulement disposent de soins palliatifs entièrement intégrés dans leur système de santé.
Cette année, dans une résolution sur la couverture sanitaire universelle, l’Assemblée mondiale de la Santé mentionne les soins palliatifs parmi les services de qualité devant être fournis à un prix abordable par le système de santé, à tous les niveaux de soins et à l’ensemble de la population.
L’OMS s'apprête à soumettre à son prochain Conseil exécutif un rapport sur les besoins croissants des services de soins palliatifs dus selon elle en partie au vieillissement de la population et à la prévalence accrue des maladies non transmissibles.
D’après ce rapport, les raisons pour lesquelles les besoins de soins palliatifs ne sont pas satisfaits comprennent notamment : une sensibilisation insuffisante, des politiques nationales inadéquates et le manque d’installations satisfaisantes et de personnel ayant reçu une formation appropriée. L’accès aux analgésiques opioïdes nécessaires pour soulager une douleur modérée ou sévère est de fait limité dans beaucoup de pays.
On estime que 80 % des malades du cancer, 80 % des cas de sida, 67 % des cas de maladies cardio-vasculaires chroniques et 67 % des cas de bronchopneumopathies chroniques obstructives sont confrontés à une douleur modérée ou sévère en fin de vie, selon une étude publiée dans le Journal of Pain and Symptom Management en janvier 2006. Parfois, le recours à la morphine ou aux analgésiques apparentés constitue le seul moyen de prendre en charge leur douleur.
« Nous avons les médicaments qu’il nous faut pour prendre en charge la douleur dans les soins palliatifs et nous savons comment les administrer », déclare Willem Scholten, ancien membre du personnel de l’OMS et actuellement consultant indépendant spécialisé dans la réglementation pharmaceutique et les politiques de contrôle des drogues. « Et pourtant beaucoup de pays choisissent de ne pas les utiliser ».
La Convention unique sur les stupéfiants de 1961 et la Convention sur les substances psychotropes de 1971 – les deux conventions des Nations Unies sur le contrôle international des drogues – sur lesquelles sont fondés la plupart des règlements nationaux sur les médicaments susceptibles d’être détournés de leur fin première ou de donner lieu à des abus, reconnaissent que l’accès à ces produits est indispensable à des fins médicales et ne devrait pas faire l’objet de restrictions excessives.
Les risques liés à une large utilisation d’opioïdes puissants à des fins médicales suscitent d’autres préoccupations que l’abus des médicaments à des fins récréatives, notamment le risque pour les patients à qui l’on a prescrit des analgésiques opioïdes forts pour une douleur modérée ou sévère de devenir dépendants, voire de décéder d’une overdose.
« Par exemple, aux États-Unis, les ordonnances d’opioïdes, qui ont triplé depuis 1999, ont été associées à un nombre de décès par overdose d’opioïdes obtenus sur ordonnance quatre fois plus important et ces décès – 16 000 au total – représentent plus du double du nombre cumulé de décès dus à l’héroïne et à la cocaïne », souligne le Dr Nicolas Clark, médecin de l’équipe Prise en charge de l’abus de substances psychoactives à l’OMS. Pour le législateur comme pour le médecin, il s’agit de mettre en parallèle les risques et les avantages de l’emploi des opioïdes.
Le cas du Panama est symptomatique à cet égard. Malgré les changements de la législation en 2010, qui ont permis de prescrire plus facilement des opioïdes, l’accès à ces substances reste difficile car les procédures à mettre en œuvre sont lourdes.