Par Frédéric Morinet *

Les virus Junin, Machupo et Guanarito sont responsables de fièvres hémorragiques virales du Nouveau Monde et sont associés à des épidémies touchant respectivement l’Argentine, la Bolivie et le Venezuela. L’homme est principalement infecté par des aérosols d’excreta de rongeurs, qui sont chroniquement infectés et constituent les réservoirs de ces virus. Le diagnostic virologique se fait en laboratoire de type P4. La ribavirine a une efficacité thérapeutique mitigée et s’il existe un vaccin atténué contre le virus Junin, des approches thérapeutiques complémentaires sont nécessaires du fait de la persistance de cas sporadiques.

Ces trois arénavirus sont des virus à ARN monocaténaire entouré d’une nucléocapside et d’une enveloppe comportant deux glycoprotéines : GP1 et GP2. GP1 interagit avec le récepteur à la transferrine, tandis que GP2 contient le site nécessaire à la fusion de l’enveloppe virale avec la membrane cellulaire lors de l’entrée du virus dans la cellule.

Lavanya et collaborateurs ont étudié les facteurs cellulaires permettant l’entrée du virus Junin. Dans ce but, ils ont utilisé une banque de 9 000 ARN interférants et des vecteurs rétroviraux dont l’enveloppe est celle du virus Junin (« pseudotypes ») (1). Si la réplication des vecteurs rétroviraux pseudotypés est inhibée en culture cellulaire par des ARN interférants, ceci permet d’identifier les gènes cellulaires jouant un rôle dans l’entrée. Parmi les dix gènes identifiés, on en trouve trois, CACNA1S, CACNA2D2 et CACNB3, qui codent tous les trois pour différentes sous-unités de canaux calciques voltage-dépendants. On rappelle que ceux-ci représentent une des voies principales d’entrée du calcium dans la cellule nerveuse et constituent des cibles de premier choix dans le traitement de la douleur. Le vérapamil (antiangoreux) et la gabapentine (antiépileptique), deux inhibiteurs de canaux calciques, empêchent l’infection du virus Junin in vitro à l’étape de fusion de la membrane cellulaire et de la membrane virale. La gabapentine, administrée par voie veineuse, bloque in vivo la réplication virale chez la souris infectée par le virus Junin par voie intrapéritonéale.

Cette étude est séduisante. L’approche par ARN interférants pour identifier des partenaires cellulaires, déjà utilisée pour les entérovirus, mériterait d’être étendue à d’autres arénavirus responsables de fièvres hémorragiques et notamment ceux de l’Ancien Monde tel que le virus Lassa, qui est responsable chaque année de 300 000 à 500 000 cas et de 5 000 décès en Afrique de l’Ouest, et pour lequel il n’existe pas de vaccin.

Référence

- Lavanya M, Cuevas CD, Thomas M, Cherry S, Ross SR. siRNA screen for genes that affect Junin virus entry uncovers voltagegated calcium channels as a therapeutic target. Science Translational Medicine 2013 ; 204ra131.

Pour en savoir plus

Weiss N, De Waard M. Les canaux calciques dépendants du voltage au coeur de la douleur. Médecine Sciences 2006 ; 22 : 396-404.
Georges-Courbot MC, Baize S. Arenaviridae in Traité de Virologie Médicale (Huraux JM, Agut H, Nicolas JC, Peigue-Lafeuille H) Ed. ESTEM 2003 ; 567-76.

* Hôpital Saint-Louis - Université Denis Diderot