par Frédéric Morinet*
Le virus de l’hépatite C (HCV) infecte environ 180 millions de personnes dans le monde et est une cause majeure de carcinome hépatique et de transplantation d’organe. La plupart des sujets infectés de manière chronique restent asymptomatiques pendant plusieurs années et la découverte de l’infection virale se fait souvent lors de la survenue d’une cirrhose ou d’un hépatocarcinome.
Le traitement actuel de l’infection à HCV repose sur une bithérapie interféron α - ribavirine avec, depuis 2011 et pour le génotype 1, l’addition d’inhibiteurs de protéase (telaprevir ou boceprevir), qui permettent d’obtenir des taux de réponse oscillant entre 40 et 75 % chez des sujets naïfs infectés par ce génotype. Cependant, ce traitement expose au risque de rebond viral lorsqu’on l’arrête et à l’émergence de virus résistants. De nouvelles approches thérapeutiques innovantes sont donc nécessaires.
La réplication hépatique de l’HCV fait intervenir un microARN, le microARN-122 (miARN-122), qui représente 70 % des microARN produits. Habituellement, les microARN s’associent aux ARN messagers pour empêcher leur traduction voire conduire à leur dégradation. Ici, à l’inverse, le miARN-122 s’associe à la région 5’ de l’ARN viral pour stimuler la réplication de l’HCV. On peut donc contrer la réplication du virus en empêchant l’association du miARN-122 à cette région de l’ARN qui est, de plus, très conservée pour les six génotypes.
C’est cette piste que Janssen et collaborateurs ont creusée en utilisant un oligonucléotide anti-sens de 15 nucléotides, le miravirsen, capable d’inhiber l’interaction du miARN-122 avec la région 5’ de l’ARN viral, et modifié chimiquement pour assurer sa résistance aux nucléases et son franchissement des membranes cellulaires. Les auteurs ont testé ce produit dans un essai de phase II portant sur des patients naïfs de tout traitement, qui étaient infectés par différents sous-types du génotype 1.
Quatre groupes de 9 sujets chacun ont été inclus, recevant soit un placebo, soit 3, 5, ou 7 mg/kg de miravirsen, administré par voie sous-cutanée 5 fois par semaine, pour une durée totale de 29 jours. L’association interféron α - ribavirine a été ajoutée deux semaines après la fin des 29 jours d’administration chez deux patients sous placebo et chez cinq patients ayant reçu 3 mg/kg du produit, et cinq semaines après chez trois et deux patients ayant reçu 5 et 7 mg/kg de miravirsen, respectivement. À la dose la plus élevée de miravirsen, la charge virale était diminuée de trois logs et n’était plus détectable chez quatre des neufs patients étudiés. À l’arrêt du miravirsen, il y a eu comme prévu un rebond de la charge virale chez les patients n’ayant pas reçu l’association interféron α- ribavirine.
L’utilisation du miravirsen pose à mon sens trois questions. Premièrement, dans la mesure où l’on sait que le miARN-122 est un gène suppresseur de tumeur, quel sera l’impact de l’utilisation prolongée de ce produit ? Deuxièmement, étant donné qu’environ 30 % des patients infectés par l’HCV sont coinfectés par le VIH, quelle peut être la place de ce produit dans cette population ? Enfin, troisièmement, quel avenir pour ce produit face au sofosbuvir, inhibiteur nucléosidique de l’HCV dont l’efficacité fait envisager un possible abandon de l’utilisation de l’interféron α ?
Article original
Janssen HLA, Reesink HW, Lawitz EJ, Zeuzem S, Rodriguez-Torres M, Patel K, Van der Meer AJ, Patick AK, Chen A, Zhou Y, Persson R, King BD, Kauppinen S, Levin AA & Hodges MR. Treatment of HCV Infection by Targeting MicroRNA. N Engl J Med 2013. DOI: 10.1056/NEJMoa 1209026.
Pour en savoir plus
Thibault PA & Wilson JA. Targeting miRNA to treat Hepatitis C Virus infections and liver pathology: Inhibiting the virus and altering the host. Pharmacol Res 2013, http:dx.doi.org/10.1016/j.phrs.2013.03.004