par B. LEFRÈRE

 

Résumé

Première pathologie dite « moléculaire » identifiée, maladie génétique fréquente, la drépanocytose fut longtemps dissimulée, avant d’être entrevue, de manière assez fortuite, sous l’objectif d’un microscope chicagoan. Si la littérature médicale retient pour publication princeps celle d’Herrick, publiée en 1910, d’autres, tombées dans l’oubli, avaient, bien avant lui, subodoré l’existence de cette maladie. Un médecin militaire, dans le Ghana du milieu du XIXe siècle, ne décrivait-il pas une forme de rhumatisme, ne touchant que les natifs, dont la description semble la décalcomanie des crises drépanocytaires ? Deux scientifiques français de l’Institut Pasteur d’Alger ne dessinèrent-ils pas, certes sans le savoir, le premier drépanocyte publié dans l’histoire de la médecine occidentale ? Mal invisible mais présent, la drépanocytose est également rapportée d’Anciens pour la douleur qu’elle engendre, et interprétée par certains d’entre eux comme la conséquence d’une réincarnation vengeresse. Le vingtième siècle, en matière de recherche sur la drépanocytose, sera résolument nord-américain, avec des avancées inscrites dans le contexte social et politique propre aux États-Unis. Au-delà du récit de ces épisodes, nous articulerons les miroirs biologiques, anthropologiques et historiques du kaléidoscope drépanocytaire pour refléter aussi la pression de sélection paludéenne de l’allèle βS et sa diffusion par les migrations. La présente synthèse, illustrée d’iconographies choisies et nourrie de références souvent originelles, souhaite proposer une esquisse colorée et contextuelle des découvertes – certaines fameuses, quoique le sujet soit peu abordé dans les publications périodiques francophones, d’autres plus obscures –, croquée de chaque côté de l’Atlantique, en commençant par l’Amérique, puis l’Afrique.


Mots-clés

drépanocytose, paludisme, anthropologie, paléobiologie, histoire.

 

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Revue de Biologie Médicale n°358 - Janvier-Février 2021.